Mes nouveaux amis : Congelo, Sabots & Co

Ce qui pourrait sembler évident ne l'est souvent pas à la campagne. Oublier le sel ou le pain par exemple. Car habiter dans le hameau de mon Brad ça relève d'une nouvelle éducation. Connaissez vous la différence entre un hameau et un village ? Non ce n'est pas la présence ou pas d'un troquet ou d'une boulangerie, c'est la présence d'une mairie. Donc lorsque vous êtes dans un endroit où il y a plus de poules que d'habitants la mairie n'existe pas : vous demeurez dans un hameau. Il n'y a rien. Ah si ! des noms de rues, des rues principales, des places et beaucoup de verdure. Pour peu que votre voisin soit un riche anglais qui ait acheté une très grosse demeure et qui ait investi dans un maximum de terrains autour afin d'éviter toute construction proche, vous ne voyez que des prés. Revenons au pain et au sel. Il m'aura fallu peu de temps pour comprendre que mon nouveau meilleur ami serait sans doute le congélateur. Et en vérité du coup je le bichonne. N'oubliant jamais de retirer toute trace sur sa poignée, ouvrant régulièrement sa porte pour observer si tout est tranquille à l'intérieur. Car c'est l'endroit qui renferme le sésame pain béni, celui que l'on peut sortir en cas de pénurie, celui qui nous sauve la vie.

En réalité au fur et à mesure que le temps passe, je me dis qu'il faudrait bien inventer la même chose pour les clopes. Non pas que je sois fumeuse mais fréquentant nombre de consommateurs, je me suis aperçue que, au même titre que le manque de pain, l'absence de clopes pouvait rapidement devenir obsessionnelle dans les conversations. Curieusement les tabacs existent dans les petits bleds mais à des heures TRES TRES précises. Après c'est la course au temps et au kilométrage ou le dépannage via les potes, ouais il serait temps d'imaginer des clopes sous vide que l'on pourrait congeler ... 

De mon côté, j'apprends de fait à être la reine de la logistique. Je le suis de plus en plus y compris avec mes talons. Non je n'ai pas bu ni fumé de choses illicites. Mais je fais partie de celles qui ont 2 paires de chaussures pour aller bosser, des tous terrains (TT) qui me servent à traverser le jardin en toute saison, marcher dans la gadoue jusqu'à la voiture, et des escarpins que je revêts avant de démarrer telle Cendrillon pour intégrer le monde civilisé. Parfois je triche. Il m'arrive de garder mes TT jusqu'à la gare tellement je suis bien dedans, et de les abandonner uniquement lorsque je vois le train à quai. Je les laisse ainsi mais je sais déjà que le soir je pousserai un ouf de soulagement en les enfilant de nouveau. 

Oui, vivre à la campagne est donc une question d'organisation. Il y a malgré tout une entorse à la règle. J'ai bien observé un peu partout autour de moi; même dans en pleine forêt le coin le plus reculé du munde rural s'il y a une chose qui ne manque jamais chez les uns ou les autres c'est la boisson. De toute sorte. Vous pouvez venir à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, 7/7, il y a toujours de l'alcool, du vin de la bière, du champ, du whisky, du calva... Comme si la pénurie ne touchait pas les bouteilles. C'est sans doute pour ça que je me suis intégrée aussi vite car c'est rassurant et drôlement chouette quand même.

Je vous vois venir avec vos raccourcis : que des buveurs et des fumeurs à la campagne... Halte là, je dirais qu'il en existe certes mais pas plus qu'ailleurs qu'à Paris, les caves sont sans doute plus belles dans nos campagnes, en tout cas celles que j'ai la chance de fréquenter. La vraie différence réside certainement dans le fait que les endroits pour sortir étant moins nombreux à travers champs, l'accueil et les propositions de se recevoir les uns chez les autres sont beaucoup plus fréquentes, voire systématiques. Donc finalement, manquer de sel, de pain n'a aucune importance, même lorsque le congélateur est vide. On sait que l'on peut compter sur les uns ou les autres et ça comme le dit la chanson, ça vaut de l'or.